Avec le recul historique devenant toujours plus important, on peut déjà affirmer avec quelque certitude, qu’il y eut deux oeuvres de Georg Lukács, pour lesquelles l’avenir fut capital, de n’avoir également pas été simultanément traduites en allemand. La première oeuvre, pratiquement jusque dans l’époque actuelle, existant en langue hongroise, était „l’Histoire du Développement du Drame Moderne”, pendant que la deuxième (et la plus tardive) –„l’Ontologie de l’Etre Social” – fut également pendant longtemps exclusivement à disposition en langue hongroise. Malgré un doute parfaitement justifié quant à la légitimité de la nouvelle conception philosophique de l’Ontologie , il semble déjà clair aujourd’hui, que leur divulgation simultanée en allemand, c’est-à-dire sur la scène internationale de la philosophie, eut été une grande chance de pouvoir se faire jour dans le débat sur le néo-marxisme finissant mené à l’unisson au niveau mondial. Ce sera donc encore nécessairement plus compliqué par le fait qu’à côté et en dehors de cet effet supposé stimulant d’une Ontologie de Lukács publiée en temps voulu en allemand, on aurait eu à tenir compte des conséquences selon lesquelles la substance philosophique de l’oeuvre aurait exercé une influence plutôt négative sur la critique générale de ses oeuvres philosophiques. Il en fut, et en est, de beaucoup différent avec l’Histoire du Drame Moderne. Une opportune traduction de l’oeuvre en allemand, c’est-à-dire contemporaine, aurait en principe pu influencer, de façon absolument décisive, le courant des jeunes esthètes, dans la vie scientifique germanophone comme sur la scène internationale. Nous pensons tout d’abord à la possibilité qu’également l’oeuvre intégrale du jeune Lukács, dans toute sa logique et ses conséquences, aurait pu, sur la voie d’une prise de connaissance opportune et entière de cette oeuvre, s’ouvrir à de nombreux intérêts. L’Ame et les Formes ou la Théorie du Roman auraient encore pu fournir, dans leurs liens profonds et multiples avec l’Histoire du Drame Moderne, avec une probabilité absolument établie, une image de cette oeuvre, non seulement unanime, mais aussi des plus claires. Le manque d’une version en allemand opportune de l’Histoire du Drame Moderne informe cependant aussi sur un autre domaine pas moins sensible pour le jeune Lukács. Sans que nous voulions seulement réduire à ce motif les deux recherches en habilitation manquées du jeune Lukács, il ne pourra être mis en doute qu’une habilitation de Heidelberg aurait pu aussi avoir de meilleures chances avec une Histoire du Drame Moderne unanimement discutée en allemand, même si d’autres nombreux motifs positifs et négatifs ont joué ici aussi pleinement leur rôle. Notre hypothèse ne repose pas seulement sur la qualité de l’Histoire du Drame Moderne, nous pensons aussi à cette facette du processus de l’habilitation, rendant en même temps expressément ostensible le caractère non académique de l’oeuvre déposée, ce qui, dans le cas de cette oeuvre, pourrait s’être largement avéré sans objet.